mercredi 4 septembre 2013

La Révolution, le Collège devient Ecole Centrale

Selon la loi du 7 Ventôse an III (25 février 1795) qui remplaçait les anciens collèges par des écoles centrales, le département de l'Oise devait ouvrir l'un de ces nouveaux établissements et y accueillir des externes âgés de 12 ans révolus. Deux villes se portèrent candidates pour héberger l'école: Beauvais et Compiègne. Ce fut Beauvais qui l'emporta.

Où allait-on installer l'école? Le jury d'instruction du département, qui comprenait notamment le savant Cassini (Cassini IV né en 1748 et mort à Thury en 1845), Danse et Dubourg trouva les locaux de l'ancien collège de la rue Sainte-Marguerite "incommodes, insalubres, en mauvais état, nécessitant des réparations considérables et impropres à l'école Centrale."
Vendus en 1799, les bâtiments de l'ancien collège furent convertis en"fabrique".
En 1823, l'évêque y établit le séminaire qui y demeura jusqu'en 1852; on construisit sur le terrain un nouvel évêché en 1878. Il ne restait du vieux collège, en 1940, qu'une grande porte du XVIII° siècle , surmontée du mot "collegium".

Le jury d'instruction du département préféra loger l’école dans l'ancien couvent des Ursulines (actuellement lycée des Jacobins), bâti en 1698 : les sœurs se proposaient alors de fournir aux jeunes filles "pauvres" une bonne éducation chrétienne.
Un décret du 4 avril 1792 avait supprimé toutes les congrégations religieuses et un autre du 4 août avait ordonné la vente de leurs maisons. En ce qui concerne les Ursulines de Beauvais, leur établissement revint à la ville, qui en fit d'abord une prison pour les suspects puis, à partir d'octobre 1793, la chapelle accueillit les réunions de la "Société populaire et révolutionnaire". 
Le local des Ursulines parut aux membres du jury "à tous les égards et sous tous les aspects infiniment plus convenable à l'établissement, prompt et sans frais, des classes, cabinets et logements nécessaires à l'école Centrale" (lettre du 20 juin 1796 aux administrateurs du département).

L’école Centrale se proposait de donner à ses élèves une formation beaucoup plus complète et plus "moderne" que celle des anciens collèges.
Le cycle d'études comprenait trois sections, étendues sur cinq ans environ , de 12 à 16 ans et plus (de la 6°à la 1° actuelle).
Elle était financée par le département (41 800 F par an), mais chaque élève devait payer une rétribution qui ne pouvait excéder 25 F par an. L'administration du département pouvait exempter de cette rétribution un quart des élèves de chaque section pour cause d'indigence.

Les deux mois précédent l'ouverture de l'école avaient été employés à la réfection des locaux : il s'agissait non seulement de préparer les salles de cours, mais aussi d'aménager des logements pour le personnel, enseignant ou non.
Deux membres de l'administration centrale du département, Dubout et Motel, furent chargés de la surveillance des travaux de mise en état.
Il s'agissait aussi de recruter les professeurs (qui habiteraient donc sur place).
Un concours fut ouvert: pour 8 places. 45 candidatures se manifestèrent. Faute de temps pour organiser un véritable concours sur épreuves, les postulants furent examinés sur leurs titres, leurs ouvrages ou leurs recommandations et passèrent devant le jury d'instruction publique présidé par Cassini. Le jury fit connaître ses choix le 2 Fructidor an IV (19 août 1796) :
"Le commissaire du pouvoir exécutif étant entendu, l'administration centrale du département de l'Oise, considérant que les lumières et la réputation méritée des membres du jury d'instruction publique, la circonspection et l'attention scrupuleuse avec lesquelles ils ont procédé à l'examen de la capacité, des talents, du civisme et de la moralité des aspirants aux places de professeurs et bibliothécaire, a arrêté de donner son approbation aux élections faites par les membres du jury d'instruction publique pour l'école Centrale du département de l'Oise et les proclame dans l'ordre qui suit:
  • le citoyen Vanderberghe : professeur de dessin
  • le citoyen Debrun fils : professeur d'histoire naturelle
  • le citoyen Pinchedez : professeur de langues anciennes
  • le citoyen Mangez : professeur de mathématiques
  • le citoyen Vedon : professeur de grammaire générale
  • le citoyen Boinvillers : professeur de Belles Lettres
  • le citoyen Langlet : professeur d'histoire
  • le citoyen Lozière : administrateur municipal bibliothécaire
Les professeurs devaient assurer 15 heures de cours par décade pour un traitement annuel de 2000 F. Chaque professeur était doublé d'un surveillant chargé de la discipline.
Enfin l'administration départementale autorisa Lozière, le 7 Fructidor an IV  '25 août 1796) à retirer des" dépôts nationaux de livres du département" ceux qui seraient utiles à la future bibliothèque de l'école et à les mettre en place. 

L'objectif de l'établissement avait été clairement formulé le jour de l'inauguration par l'un des professeurs, Boinvillers, qui avait ainsi commencé son discours:
" Garantir à tous les individus la faculté de pourvoir à leurs besoins, de développer et de perfectionner leurs talents et leur industrie, les rendre capables de remplir un jour les fonctions honorables auxquelles chacun a droit de prétendre, et par là même établir entre tous les membres du corps social une égalité réelle, une réalité de fait, tel est, citoyens, le but de l'instruction nationale... L'instruction doit être une pour tous..."
Il poursuivait: 
"Dans les divers degrés, l'instruction nationale embrassera le système entier des connaissances humaines... De quelle ressource ne seront pas pour nos enfants les études si nécessires de la physique et de l'histoire naturelle, de la de la législation et des mathématiques, de l'histoire et des Belles Lettres?"

Et il opposait tout au long de sa harangue, l'enseignement du futur établissement, ouvert sur la nature et la société, porteur de modernité, à celui, sclérosé et étriqué, des anciens collèges religieux, bornant leur savoir aux langues anciennes, tournés vers le passé. 
Tous les responsables de l'école paraissent en avoir eu conscience: son installation représentait à la fois une aventure, un enjeu intellectuel et social; et pour tout dire, politique. Il s'agissait de former de futurs citoyens aptes à saisir d'emblée tous les aspects du "progrès", pour le mettre en oeuvre au bénéfice de la communauté nationale


Pour tout ce qui concerne l'Ecole Centrale, consulter :
  • le tome X des Mémoires de la Société Académique
  • le discours prononcé par M.Quignon le 30 juillet 1904 au lycée Félix Faure lors d'une distribution des prix.