jeudi 5 septembre 2013

L'école Centrale sous la Révolution (suite)

La troisième section, destinée aux élèves les plus âgés (16 ans et plus), comportait des cours de Belles Lettres, de grammaire et de législation.

Boinvilliers, le professeur de lettres, enseignait le français et le latin (on avait décidé, semble-t-il, de sacrifier le grec).
Toujours frisé et poudré, lui aussi, versifiait beaucoup et incitait ses élèves à en faire autant. Leur production est conservée dans le calendrier du musée de l'Ecole Centrale.

L'enseignement des lettres était complété par celui de la grammaire générale, dispensé par J.B. Geruzez, entré à l'Ecole à l'automne 1799 et qui dut alors prêter le serment suivant, conformément à la loi du 12 Thermidor an VII: "Je jure fidélité à la République et à la constitution de l'an III. Je jure de m'opposer de tout mon pouvoir au rétablissement de la royauté en France et à celui de toute espèce de tyrannie".
Plus tard, Geruzez devint professeur de l'Université. 

Un ancien professeur d'un collège du Midi, Lugardon, fut chargé des cours d'histoire, mais il ne semble pas avoir attiré un grand nombre d'auditeurs.

Enfin, un licencié en droit civil, Peyre, devenait professeur de législation et ses cours étaient suivis assidûment par des clercs d'avoués, des clercs de notaires, des commerçants, des officiers de la Garde Nationale, des entrepreneurs etc....

Le 2 nivôse an VII (22 décembre 1798), l'on avait réquisitionné une trentaine d'hommes et d'enfants de l'hospice des pauvres (situé rue de Buzanval) pour transporter des livres dans un local spécifique. Telle qu'elle était, la bibliothèque manquait , selon, Cambry, de livres de littérature, d'oeuvres de poètes et de romanciers. C'est un ancien chanoine de la cathédrale, Lozière, qui s'en occupait.
Non seulement la bibliothèque était ouverte tous les jours aux élèves, excepté les quintidies et décadies, de 9 h à 12 h et de 15 à 18 h, mais elle était aussi ouverte au public les 2,4, 6, et 8 de chaque décade de 10 h du matin jusqu'à 13 h. Elle servait en quelque sorte de bibliothèque municipale.  

A ses débuts, le nouvel établissement n'avait pas de chef à sa tête. Les professeurs choisissaient trois d'entre eux pour constituer un directoire chargé de l'administration de l'école. En 1800, Cassini, devenu depuis peu président du Conseil Général, fut clairement appelé par les professeurs à diriger l'établissement.

L'année scolaire commençait le 1° Brumaire (vers le 23 octobre) et s'achevait le 30 Thermidor (vers le 17 août). A peu de choses près ; l'on avait donc repris l'ancien calendrier des collèges.
La rentrée était marquée par une fête publique, ponctuée de discours et de musique, qui durait de 15 h à 19 h. Les professeurs y prononçaient une véritable leçon d'ouverture sur la discipline qu'ils enseignaient.

Il semble avoir régné dans l'école une atmosphère libérale, très éloignée des règles de vie monastique de l'ancien collège. Certes le directoire des professeurs était autorisé à prononcer le renvoi provisoire d'un élève selon l'article 5 du règlement de l'école, mais ni registre de punitions ni cahiers de devoirs ne sont parvenus jusqu'à nous. Sans doute, le statut des élèves de l'école était-il plus proche de l'étudiant que du lycéen actuel, d'autant qu'il avait la faculté de choisir les cours qui lui convenaient.

Au terme de l'année scolaire, le 17 ou 18 août, avait lieu la distribution des prix, précédée d'une épreuve finale: quatre jours d'exercices littéraires ou scientifiques réglés par un programme, sorte d'examen de fin d'année, très empreint de rhétorique puisque les élèves devaient faire preuve de leur talent à discuter et à réciter.

La fête avait lieu dans l'ancienne chapelle des Ursulines décorée de tapisseries.
La musique et la garde d'honneur étaient assurées par les vétérans de la garde nationale et des gendarmes. La cérémonie tenait aussi de l'opération "portes ouvertes" car le public, parents ou curieux intéressés, pouvait entrer dans les salles de cours pour écouter la prestation des lauréats. C'est ainsi que le 30 Thermidor an VII (1798), il admira quelques plantes et animaux exotiques et" une grande sphère nouvelle représentant le système complet du monde".
Ensuite , l'administration de l'école se plaça en dessous d'un tableau des Droits de l'homme, face à l'orchestre pour écouter les élèves récompensés. Deux jeunes beauvaisiens, Lecaron et Taillefer, éblouirent l'auditoire pendant une heure et demi par leurs connaissances en mathématiques et en algèbre. Puis le jeune Simon, natif de Beauvais, orphelin de père, prononça comme exercice de belles lettres, un discours où il développa " les avantages attachés à la culture des lettres et des sciences dans une nation libre" avant de traduire "au choix des citoyens qui l'interrogent" le 3° livre des Odes d'Horace qu'il accompagne de commentaires sur la vie du poète et les événements de l'histoire romaine que son oeuvre illustre.
Le président du département prit alors la parole pour rappeler les vertus patriotiques de l'instruction publique et exhorter les pères de famille à envoyer leurs enfants, en bons citoyens, dans "ce nouveau lycée" pour leur donner "l'instruction et l'éducation qu'ils ont le droit d'attendre de votre sollicitude" et pour qu'ils y apprennent "à être justes et indulgents envers leurs semblables et surtout à aimer jusqu'au dernier soupir leur patrie".
Après un vigoureux "Vive la République", la remise des récompenses avait lieu: les élèves cités étaient couronnés, acclamés dans le son des fanfares et recevaient un prix, portrait ou médaille. 
"Pendant cette cérémonie, les airs chéris des républicains se font entendre et elle est terminée par le chant du Départ".

Le compte-rendu des cérémonies de rentrée et de fin d'année était publié par l'école qui le faisait imprimer. Par ailleurs, les professeurs de l'Ecole collaboraient au "Journal de l'Oise" dont Boinvilliers était le rédacteur attitré tandis que Roard, Biot et Lebrun y faisaient de la vulgarisation scientifique.

Cependant, le fonctionnement de l'Ecole se heurtait à des obstacles qu'énumère le rapport de Cassini à ses collègues. 
D'abord, l'Ecole souffrait des carences de l'enseignement primaire que la Convention, après la Législative et la Constituante, avaient refusé d'organiser.

En 1791?, Beauvais disposait de plusieurs écoles.
Le Bureau des pauvres s'était préoccupé de l'enseignement des enfants et rétribuait des maîtres d'école. Il existait deux écoles dans la paroisse Saint-Etienne, deux dans la paroisse Saint-Laurent  et Sainte-Marguerite et une à l'intérieur du Bureau des pauvres où l'une des soeurs de la maison s'occupait également des filles.
La loi du 1er mai 1802 prescrivait l'établissement d'écoles communales gratuites et le 20 avril 1803, Nully d'Hécourt, nommé maire de Beauvais, ouvrit deux écoles : l'une pour les garçons, l'autre pour les filles.
Quoiqu'il en soit, l'Ecole accueillait des élèves mal préparés à qui elle dispensait un enseignement trop ambitieux