Le retour des Bourbons, en mars 1814, mit fin à l'embellie
du collège. La monarchie était rétablie (mais elle n'était plus de droit divin).
Les nouveaux dirigeants, acharnés à restaurer tout ce qui existait avant la
Révolution et à détruire tout ce qui avait été mis en place depuis,entendaient
bien faire disparaître l'Université. En attendant de lui porter le coup fatal,
l'on commença par prendre des mesures partielles destinées à orienter la
clientèle scolaire vers les écoles ecclésiastiques et à rendre à l'Eglise
l'exclusivité de la formation de ses cadres. C'est ainsi que le 5 octobre
1814,une ordonnance royale dispensait les élèves des écoles ecclésiastiques de
la rétribution due jusqu'alors à l'Université et autorisait leurs élèves à ne
pas suivre les cours des lycées et collèges.
L'on comprend que dans ces conditions, 75 garçons seulement
se soient présentés à la rentrée 1814. Presque tous les externes (180 environ)
avaient préféré l'Ecole ecclésiastique. Apparemment , l'opinion publique, et
donc les parents, avaient suivi la propagande de l'abbé Guénard et le courant
politique qui exerçait désormais le pouvoir.
En fait, le printemps et l'été 1814 avaient été une période
de tourmente pour le collège comme l'atteste un rapport du Recteur:
"Le collège de la ville de
Beauvais a été bien florissant jusqu'au mois de mars 1814.....La majeure partie
des élèves provenait de l'école ecclésiastique du département de l'Oise établie
à Beauvais. Dès le mois de mars, les événements de la guerre déterminèrent un
grand nombre de parents à retirer leurs enfants du collège et de l'école
ecclésiastique."(Il s'agit en effet de la campagne de France dont une partie des
opérations se déroule en Champagne et dans la région de l'Aisne).
Il s'agissait donc bien de la survie du collège. La loi
d'octobre 1814 avait été complétée par celle du 17 février 1815 qui interdisait
aux écoles ecclésiastiques de recevoir des externes. Mais cet article ne fut
guère appliqué ; en vain, Dubois, pour sauver la clientèle urbaine du collège,
tempêta-t-il auprès du Conseil Royal de l'Instruction Publique pour signaler
les abus dont se rendait coupable le Petit Séminaire (demi-pension fictive mais
externat réel etc..). La réponse du pouvoir central fut un déplacement d'office
puisqu'en octobre 1815, Dubois est nommé professeur de seconde au collège de
Metz.
Le lendemain de cette nomination, un arrêté de la commission
de l'Instruction Publique en date du 24 octobre 1815 enjoignait la réunion du
collège de la ville de Beauvais et du Petit Séminaire en un seul et même
établissement qui devait accueillir à la fois des jeunes gens considérés comme
de futurs ecclésiastiques et les autres. "Ceux qui se destineront à une autre
carrière trouveront également dans cet établissement tous les moyens de
s'instruire et d'acquérir une bonne et solide éducation dont la religion sera
la base essentielle, sans exclure les connaissances utiles ou agréables
qu'exige le commerce du monde".
Triomphe de l'abbé Guénard, nommé le 2 novembre 1815, principal du nouvel établissement appelé école secondaire mixte. Agé alors de
56 ans, il avait été régent du collège de Beauvais pendant une dizaine d'années
avant la Révolution. Il avait refusé de prêter serment à la constitution civile
du clergé et avait émigré de 1792 à 1802 (il mourra en 1835).
L'ouverture de la nouvelle école secondaire fut fixée au 1°
janvier 1816 car le Petit Séminaire devait s'installer dans le collège.
L'encadrement était assuré par 4 laÏcs et 5 ecclésiastiques, désignés le 23
décembre 1815 après une escarmouche qui avait opposé le nouveau principal et le
Rectorat sur la composition du corps enseignant. Le 4 décembre 1815, l'Abbé
Guénard avait écrit au Recteur :
" Mgr l’évêque d'Amiens ne prétend pas
être étranger à la nouvelle organisation . En effet, c'est ici son petit
séminaire : il a une juridiction immédiate sur les élèves et sur les
maîtres. D'ailleurs, ce n'est pas nous qui avons demandé à nous réunir au
collège. Nous nous suffisons à nous-mêmes.... mais pour l'intérêt général de la
ville et du département, nous nous prêtons, sur la proposition qu'on nous a
faite, pour soutenir le collège".
L'Eglise allait-elle retrouver, comme avant la Révolution, la
maîtrise souveraine d'un enseignement secondaire désormais sanctionné par
l'épreuve du baccalauréat ? Bien des Ultras ont dû le souhaiter mais les faits
devaient démentir leur attente, toute "restauration" étant par nature
impossible. Le nouveau régime ne choisit pas de délester l'Etat de la fonction
acquise depuis la Révolution dans le domaine de l'enseignement. Et lentement,
c'est l'enseignement public qui s'imposait.
En juillet 1820, par une
ordonnance, le baccalauréat devenait obligatoire pour l'inscription en faculté
de droit et de médecine et constituait désormais la porte d'entrée de toutes
les carrières libérales. L'obligation d'un certificat attestant que pendant les
deux années précédant l'examen, les études avaient été suivies dans un
établissement public, cette obligation était maintenue, de même que le monopole
de l'Université pour la délivrance du titre de bachelier. Rappelons que dès
1815, l'on avait défini les grades nécessaires pour exercer chaque fonction : baccalauréat,
licence, doctorat. Enfin, le 26 août 1824, un véritable ministre avait été
chargé de l'Instruction publique : les droits de l'Etat sur l'enseignement
étaient ainsi affirmés et les structures mises en place sous l'Empire confortées.
A Beauvais, l'école secondaire mixte vivait une expérience
qui déboucha sur un échec : la fusion d'un collège laïc et du petit séminaire se
termina par un divorce en 1828. Les deux types d'établissements devaient
désormais évoluer chacun de leur côté.